Alexandre Puyguiraud, chercheur en géosciences, travaille sur les mécanismes de fluide à la micro-échelle
Alexandre Puyguiraud est un chercheur en géosciences français. Il a débuté au mois d’octobre son projet « PanoramX » au laboratoire Géosciences Rennes – Université de Rennes 1.
[Team BIENVENÜE] Bonjour Alexandre, pourriez-vous nous dire en quelques mots votre parcours ?
Alexandre Puyguiraud : J’ai un parcours un peu atypique vers les géosciences. J’ai d’abord étudié les mathématiques fondamentales en licence et en master. J’ai réalisé lors de mon master que je souhaitais faire des choses plus appliquées. Cela s’est concrétisé par un stage de master dans le laboratoire Géosciences Montpellier en hydrogéologie. J’ai travaillé notamment sur les écoulements de fluides sous terre dans des roches poreuses.
Lors d’un séminaire en Espagne, j’ai rencontré mon futur encadrant de thèse qui a été très intéressé par ma formation en mathématiques. J’ai fait dans son laboratoire, au CSIC (l’équivalent en Espagne du CNRS français) à Barcelone, ma thèse et mon premier post-doctorat. Mes travaux portaient sur la simulation et la modélisation d’écoulements et de transport de fluides à l’échelle du pore, c’est-à-dire environ 1 mm. L’objectif principal étant, à partir d’informations obtenues à petite échelle, de prédire l’écoulement sur de grandes distances.
Pourquoi est-ce important d’étudier ces mécanismes à cette toute petite échelle ?
Ce qui se passe à cette échelle est peu visible, pas aussi spectaculaire que les inondations ou les volcans, mais vraiment important pour les géosciences. Les roches, comme les matériaux synthétiques, ont différentes structures géométriques qui vont impacter la façon dont les fluides qui s’écoulent à l’intérieur vont se comporter. L’eau, ou un produit chimique, va se disperser ou se mélanger avec d’autres fluides différemment selon le type de roche et sa structure interne.
Comprendre ces mécanismes est utile par exemple pour évaluer plus précisément l’étendue d’une pollution souterraine. Dans l’industrie, cela peut également permettre d’optimiser les structures des matériaux utilisés pour provoquer les réactions chimiques dans les batteries et les rendre ainsi plus performantes.
Comment est né le projet PanoramX ?
Lors d’une conférence, j’ai rencontré Tanguy Le Borgne et Joris Heyman. Il y a eu un intérêt mutuel pour nos travaux, et nous pensions d’abord collaborer et publier ensemble. Puis j’ai voulu changer d’air, mais pas forcément venir en France. J’ai eu vent du programme BIENVENÜE à ce moment-là qui a été le tremplin pour concrétiser nos idées en un projet : PanoramX !
Je vais étudier l’impact de la structure des roches sur l’écoulement de l’eau et de produits chimiques, en utilisant principalement deux approches. D’une part, je vais m’appuyer sur des simulations numériques et de la modélisation, mon point fort, et de l’autre tester via des expérimentations en laboratoire, ce qui est plutôt le domaine de mes superviseurs. Ces approches sont complémentaires. La modélisation numérique permet de tout regarder, d’avoir des informations sur tout à tout moment. C’est par contre très coûteux, et les supercalculateurs ne sont pas assez puissants pour faire ça sur de grands échantillons. En laboratoire, nous n’avons pas cette limite technique et pouvons étudier des échantillons de plus grande taille. En revanche, c’est plus difficile de tout voir. Notre but à long terme est de s’inspirer des structures naturelles pour optimiser des matériaux synthétiques pour différentes applications industrielles et environnementales.
Vous avez prévu des collaborations à la fois avec des acteurs industriels et internationaux.
Oui, je vais d’abord travailler avec l’entreprise Itasca sur un certain type de roche très commune dans la nature, appelées « roches fracturées ». Ils apporteront notamment des échantillons et leur expérience dans ce type de milieu. Je vais aussi collaborer avec l’entreprise HephaPrint (spécialiste de l’impression 3D) pour préparer mes expérimentations en laboratoire. Pour ce faire, j’aurai besoin de répliquer et d’agrandir via impression 3D des échantillons d’1mm à une échelle plus grande (de quelques centimètres), et certaines structures sont particulièrement difficiles à réaliser.
Du côté académique, j’ai prévu un partenariat de trois mois pendant lesquels j’irai travailler en Australie avec le professeur Daniel Lester, un expert de certains comportements que les fluides ont lorsqu’ils se mélangent, appelés « mélange chaotique » à cette toute petite échelle. Tout au long du projet, je resterai aussi en contact avec mes précédents groupes et de continuer mes précédentes collaborations (notamment en Europe et aux Etats-Unis).
Qu’est-ce qui vous motive dans vos recherches ?
Plein de choses. Faire de nouvelles découvertes à propos d’un sujet qui me plaît, et explorer les nouveaux problèmes qui se cachent derrière celles-ci. Aussi, j’apprécie la sensation de travailler au sein d’une équipe dans laquelle chacun apporte ses connaissances pour avancer. C’est le sentiment de faire avancer la science – à sa portée.
Auriez-vous une recommandation pour les curieux ?
Je souhaite partager deux vidéos qui montrent comment les chercheurs de mon domaine travaillent. D’abord, il y a cette simulation numérique par un groupe de l’Université de l’Etat de Louisiane (USA). Elle montre la structure de la roche à cette échelle et la complexité que peut avoir un l’écoulement à l’intérieur d’un échantillon.
Il y a ensuite cette expérience faite par mon superviseur Joris Heyman qui montre la déformation d’un liquide due à la structure particulière de l’échantillon. C’est un peu l’équivalent expérimental en laboratoire de la première vidéo.
Photo : Alexandre Puyguiraud