Dumitru-Claudiu Sergentu, chimiste computationnel, construisant des outils pour la conception rationnelle d’aimants moléculaires
Dr Dimitru-Claudiu Sergentu est un chimiste computationnel qui travaille sur la conception rationnelle d’aimants à molécule unique par des approches combinant modèle et halmitonien effectif. Il met en œuvre le projet « NewMag » au laboratoire ISCR de l’Université de Rennes.
BIENVENUE Team : Bonjour Claudiu, comment vous êtes-vous intéressé à la chimie computationnelle ?
Après avoir obtenu une licence en chimie physique, j’ai développé une passion pour la chimie, les mathématique et l’informatique. J’ai alors décidé d’approfondir mes connaissances dans l’utilisation des ordinateurs en chimie et je me suis lancé dans un programme de master européen Erasmus-Mundus à l’Université de Groningen, aux Pays-Bas, où j’ai étudié à temps plein la chimie théorique et la modélisation computationnelle. Là, formé par des experts internationaux dans le domaine, j’ai rapidement été fasciné par la quantité de chimie que l’on peut faire en utilisant simplement des ordinateurs, sans avoir à gérer un vrai laboratoire. Mon projet de mémoire de master s’est transformé en mon premier article publié, et mon colloque de master, une étude de littérature nécessaire pour obtenir le diplôme, et a marqué le début de mon doctorat en chimie théorique et computationnelle, que j’ai défendu en 2016 à l’Université de Nantes. Pendant mon doctorat, j’ai travaillé en étroite collaboration avec des expérimentateurs pour faire progresser des outils computationnels efficaces pour étudier la chimie fondamentale de l’astate, un radioélément particulièrement intéressant pour le traitement du cancer en radio-immunothérapie ciblée.
De 2017 à 2021, j’étais aux États-Unis, à SUNY Buffalo, où j’ai mené des recherches sur la structure électronique et les propriétés magnétiques de certains éléments les plus lourds du tableau périodique, à savoir les actinides. Cette période a marqué ma croissance dans le domaine de la chimie computationnelle et m’a donné la confiance nécessaire pour poursuivre mon propre projet. Ce sont mes superviseurs actuels, Rémi Maurice et Boris Le Guennic, qui m’ont informé de l’opportunité offerte par le projet BIENVENÜE, et j’ai pris la décision de revenir en France.
Quel est le sujet de votre projet NewMag ?
Mon projet NewMag vise à la conception rationnelle d’aimants à molécule unique (SMM), une catégorie d’aimants minuscules qui servent d’éléments de base à la spintronique moléculaire, aux capteurs intelligents et à la prochaine génération de dispositif de stockage, entre autres. Ces technologies agissent au niveau du spin des électrons et exploitent les informations provenant de l’orientation de ces spins dans certaines conditions. Cependant la projection des SMM pour des applications technologiques nécessite encore des recherches fondamentales approfondies sur leur comportement au niveau des atomes et des électrons. En outre, de nouvelles stratégies de calcul et des outils dérivés de la mécanique quantique, la théorie qui régit le comportement des minuscules particules, sont nécessaires pour faciliter les progrès. C’est l’objectif final de NewMag : fournir aux expérimentateurs un cadre simple mais puissant de mécanique quantique qui peut aider à la conception rationnelle des futurs SMM.
Quel impact votre projet peut-il avoir dans la vie de tous les jours ?
L’ingénierie de minuscules molécules dotées de propriétés magnétiques joue un rôle crucial dans l’avenir des technologies intelligentes. Par exemple, il suffit de regarder ce qui s’est passé avec nos dispositifs de stockage au cours des dernières décennies. Dans les années 1950, nous avons commencé avec des disques durs de la taille d’un réfrigérateur. Aujourd’hui, nous avons des disques durs et des nouvelles générations de SSD (Solid-State Drives) qui ne font pas plus de 6 ou 9 cm, en plus des petites clés USB et des cartes micro SD qui fournissent une capacité de stockage substantielle à nos ordinateurs et à nos téléphones intelligents. Comme les données sont générées aujourd’hui à une échelle plus grande que jamais, il y a naturellement une forte demande pour que des dispositifs de mémoire miniaturisés avec une grande capacité de stockage et des capacités de lecture-écritures plus sûres. A cet égard, les SMM offrent un stockage à haute densité, une efficacité énergétique, une stabilité accrue contre les stimuli externes lorsqu’ils sont conçus de manière appropriée, et la capacité de conserver la mémoire magnétique sur de longues périodes.
Mon travail joue un rôle crucial dans l’avancement de notre compréhension du comportement des nouvelles petites molécules présentant des caractéristiques de SMM en fournissant les outils nécessaires et un cadre pour l’interprétation des données expérimentales. Cette contribution est importante car elle s’inscrit dans les perspectives d’avenir des mémoires à base de SMM.
Pourquoi l’ISCR est un bon laboratoire pour réaliser ce projet ?
L’équipe CTI, à laquelle je suis affilié à l’ISCR de l’Université de Rennes, a une longue histoire de recherche et d’innovation dans le domaine de la spectroscopie chimique et du magnétisme. L’équipe participe activement à des collaborations européennes et possède une infrastructure matérielle et logicielle de pointe qui facilite la recherche en chimie quantique sur les petites molécules, les biomolécules et les matériaux étendus. Plus important encore, ici, à l’ISCR, le projet NewMag a la chance d’être supervisé par deux scientifiques hautement qualifiés dans le domaine du magnétisme et de la recherche sur les aimants à molécule unique, le Dr Rémi Maurice et le Dr Boris Le Guennic.
Merci Dumitru !