Margaux Mathieu-Resuge, écologue, travaille sur la qualité de la nourriture des sardines
Margaux Mathieu-Resuge est une écologue s’intéressant à l’écologie trophique, c’est-à-dire ce que mangent les animaux. Elle a débuté fin Novembre 2022 le projet GREASY au laboratoire LEMAR (Université de Bretagne-Occidentale).
Equipe BIENVENÜE : Bonjour Margaux, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?
Margaux Mathieu-Resuge : Je m’intéresse aux relations trophiques entre les animaux, afin de mieux comprendre leurs influences sur leurs performances physiologiques, c’est-à-dire l’impact de la qualité alimentaire sur leur santé et leur développement. J’ai effectué ma thèse sur deux espèces de bivalves provenant d’une lagune côtière du Mexique. J’ai cherché à comprendre si les différences de ressources alimentaires utilisées par les bivalves expliquaient la variation des stocks. J’ai ensuite travaillé en Autriche sur des insectes semi-aquatiques vivant à l’interface eau-sédiment dans des lacs. Ceux-ci sont des ressources alimentaires de qualité pour les insectivores riverains. Je me suis donc intéressée à quantifier et qualifier les flux de nutriments entre écosystèmes aquatiques et terrestres via les insectes émergents.
Quel est l’objet du projet GREASY ?
Je vais continuer à travailler sur la qualité des aliments, cette fois-ci pour le cas de la sardine en mer d’Iroise. Les populations de sardine au large du Finistère ont perdu entre 3 et 4 cm ces dernières années et des premières études montrent que ces changements sont liés à la baisse de la qualité alimentaire. En parallèle, le Parc Naturel Marin d’Iroise a observé une différence dans la composition du plancton. Je m’interroge donc sur comment les changements des producteurs primaires influencent les transferts de nutriments essentiels, ici les acides gras, chez les larves de sardines. Il est important de comprendre l’influence de ces changements sur la base des réseaux alimentaires, qui se traduisent ensuite dans toute de la chaîne alimentaire et qui peuvent même avoir un impact jusque sur la santé humaine.
Durant les deux années du projet GREASY, je vais d’abord caractériser les compositions taxinomiques du zoo- et le phytoplancton et leur valeur nutritive en fonction de classes de tailles. Je vais dans un second temps chercher à caractériser précisément l’origine des acides gras retrouvés dans les sardines, à travers des analyses biochimiques et isotopiques permettant de comprendre d’où viennent les molécules de nourriture.
Pourquoi était-ce important de réaliser ce projet au sein du laboratoire LEMAR ?
Au LEMAR il existe plusieurs expertises n’existant pas ailleurs et qui m’étaient nécessaires pour mener à bien ce projet. Les chercheurs du LEMAR possèdent d’abord une importante expertise sur l’analyses des composés lipidiques dans le milieu marin. Je vais pouvoir utiliser la plateforme LIPIDOCEAN du laboratoire pour effectuer des analyses lipidiques ainsi que la plateforme PSO pour les analyses isotopiques afin de tracer les transferts de lipides entre producteurs primaires et sardines.
Je vais aussi profiter de collaborations du laboratoire, avec les chercheurs de l’IFREMER spécialistes des larves de sardines. Mais aussi avec le Parc Naturel Marin d’Iroise qui suit les communautés planctoniques ne mer d’Iroise pour la mise en commun de données. Nous collaborons aussi avec le comité des pêches du Finistère, afin de mieux définir le lien plancton-sardines en mer d’Iroise. Ensemble, nous cherchons à initier une unité d’enseignement transverse entre l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM) et un lycée maritime du Guilvinec afin non seulement de diversifier les échantillonnages, mais aussi de créer un dialogue entre futurs scientifiques, gestionnaires et usagers de l’espace maritime.
Vous cherchez à minimiser l’impact de votre projet sur l’environnement. Quelles actions mettez-vous en place ?
J’essaie de réduire l’empreinte carbone de mon projet de différentes façons : avec le soutien d’IsBlue je prévois de comparer la faisabilité d’échantillonnage entre bateau à voile et à moteur. Pour cela, un de mes échantillonnage en mer d’Iroise au large de Brest se fera avec le catamaran Skravil (https://www.dlalfeamp.fr/projet/skravik/) et un autre avec l’Albert Lucas, le bateau à moteur de station couramment utilisé par l’institut. Mon équipe se coordonne aussi avec les pêcheurs locaux qui nous fournissent des sardines adultes de leur pêche, afin de réduire le nombre de sorties en mer et de bateaux en activités. Enfin, le petit matériel en plastique utilisé dans le laboratoire pour les analyses des échantillons est collecté et recyclé, dans le cadre du projet Interreg « Preventing Plastic Pollution » porté en partie par le LEMAR.
Avez-vous une recommandation pour le lecteur curieux d’en savoir davantage sur vos thématiques de recherche ?
Je vous propose plusieurs articles sur la diminution de la taille des sardines, comme celui-ci de Sciences et Avenir et celui-là sur le site de l’IFREMER. Vous pouvez aussi trouver sur le site du laboratoire les autres projets travaillant sur ma thématique.
Merci Margaux !