Dr Pavanee Annasawmy est une océanographe s’intéressant au déplacement quotidien du micronecton, les animaux marins d’une taille entre 2 et 20cm. Elle a débuté en janvier 2022 le projet FINZWIO au laboratoire LEMAR, à l’Université de Bretagne-Occidentale.
[Team BIENVENÜE] Bonjour Pavanee, comment êtes-vous venue à vous intéresser à votre sujet de recherche ?
[Dr Pavanee Annasawmy] J’ai réalisé un doctorat en sciences du vivant et de la mer en co-tutelle entre l’Université du Cap (Afrique du Sud) et l’Université de Montpellier. Je me suis intéressée à la distribution, c’est-à-dire une aire de répartition, du micronecton près des monts sous-marins au sud-ouest de l’Océan Indien. Le micronecton constitue un lien trophique essentiel entre le zooplancton et les prédateurs supérieurs tels que les thons; il n’est pas encore beaucoup pêché par l’homme qui lui préfère ses prédateurs comme le thon. Des études ont toutefois débuté pour développer la pêche du micronecton afin de l’utiliser comme farine de poisson, entre autres.
Le micronecton migre à l’aube et au crépuscule, sur des distances entre 300m et 1000m de profondeur. Présent dans les eaux froides profondes durant la journée, il remonte à la surface à la tombée de la nuit. Pour observer cette présence, j’utilise une sonde acoustique placée sur un bateau. Elle envoie une onde ultrasonore qui est réfléchie par l’animal. Je peux ainsi savoir qu’il y a des animaux à tel endroit, mais je ne sais pas de quelle espèce il s’agit. Il faut alors utiliser un chalut pour pêcher et identifier les animaux grâce à des taxonomistes.
Après ma thèse, j’ai travaillé avec les Seychelles sur les concentrations de métaux lourds dans le micronecton, puis aux Etats-Unis sur les crustacés dans l’Océan Antarctique. A l’aide de sondes acoustiques, j’ai cherché à caractériser les flux de crustacés à un endroit donné, et essayé de classifier les passages des prédateurs comme les pingouins, les phoques ou les baleines.
Qu’allez-vous étudier lors du projet FINZWIO ?
Je continue mon travail sur le micronecton et le zooplancton (organisme de 20µm – 2 cm) en utilisant des outils acoustiques plus performants. Le laboratoire LEMAR a récemment acquis une nouvelle sonde (AZFP – Acoustic Zooplankton and Fish Profiler) qui permet de sonder avec différentes fréquences le long de profils verticaux. Cela permettra une résolution encore plus fine des informations (1-km verticalement) notamment pour le zooplancton habituellement échantillonné par des filets par grandes strates verticales. On utilisera également d’autres sondeurs acoustiques (WBAT- Wideband Autonomous Transceiver) et EK80 qui permettront d’étudier des organismes de toutes tailles (du macrozooplancton aux prédateurs supérieurs). Ces équipements ont l’avantage de donner accès aux diverses réponses en fréquences des organismes, qui sont autant d’informations pour les classifier (poissons, crustacés, gélatineux…). J’utiliserai un logiciel de traitement de données acoustiques développé par le LEMAR pour analyser ces données et je vise à classifier les réponses acoustiques pour déterminer quels sont les types d’organismes présents dans la colonne d’eau.
J’embarque en avril-mai à bord du Marion Dufresne pour récolter mes données, lors d’une mission pluridisciplinaire comprenant une cinquantaine de scientifiques internationaux. Durant cinq semaines, nous allons partir de la Réunion vers le sud de Madagascar, puis remonter le canal du Mozambique jusqu’à Durban (Afrique du Sud). Je souhaite relever des données pour observer la distribution dynamique du zooplancton et du micronecton dans le tourbillon de Durban, un cyclone régulier dans cette zone. Il est connu qu’un tel tourbillon concentre beaucoup la vie. J’aimerais comprendre à quel moment il concentre le plus de vie et s’il a un impact sur la répartition verticale du zooplancton et du micronecton.
Comment le changement climatique peut-il avoir un impact sur vos recherches ?
Le changement climatique impacte la formation des cyclones, mais également du « sardine run », un mouvement de migration de bancs entiers de sardines au large de l’Afrique du Sud. Il est est de plus en plus court, de plus en plus tard dans l’année et remonte moins au nord. Cela a un impact sur la pêche côtière à proximité, puique les prédateurs ne peuvent plus se nourrir.
Mes données et mes résultats sur le zooplancton et le micronecton permettront de nourrir d’autres travaux et modélisations sur d’autres animaux mais également d’apporter des savoirs sur la classification des espèces en lien avec les courants sous-marins.
Pourquoi avoir choisi le laboratoire LEMAR pour mener ce projet ?
Le LEMAR est une unité de recherche majeure en France dans les sciences de l’environnement marin, très pluridisciplinaire, ce qui est une belle opportunité pour un post-doctorat.
Pour réaliser ce qui est le cœur disciplinaire de mon projet, je pourrai m’appuyer sur la Plateforme Acoustique du LEMAR, seule de ce type et qui est dans le domaine de l’acoustique active appliquée à l’étude des écosystèmes marins, une référence en France. Cette plateforme contribue à de nombreuses campagnes scientifiques mondiales et dispose des compétences et des outils nécessaires pour mener mes recherches : des sondeurs acoustiques de pointe et des logiciels pour analyser les données.
Mais je vais également profiter de cette campagne et des échantillons qui seront prélevés pour compléter mes travaux par des recherches avec d’autres chercheurs du LEMAR, afin de mesurer la concentration de métaux lourds dans les animaux pêchés lors de la campagne.
Avez-vous une recommandation pour un lecteur curieux d’aller plus loin sur le sujet ?
Je recommande l’article « How do Scientists Use sound to count fish in the deep sea ?» publié par frontiers for Young Minds, une revue de vulgarisation scientifique par et pour les enfants. La méthode acoustique y est très bien expliquée.
Merci Pavanee !