Jean-Charles Leclerc, écologue marin, travaille sur l’étude des forêts de macroalgues
Le Dr Jean-Charles Leclerc travaille sur son projet « KELP ME! » depuis la mi-janvier 2022 à la Station Biologique de Roscoff, établissement qu’il connait parfaitement car il y a effectué une partie de son master. Au sein de cette institution, il a aussi obtenu sa thèse durant laquelle il s’est intéressé à l’écologie des forêts de grandes macroalgues.
[Equipe BIENVENÜE] Bonjour Jean-Charles, comment vous vous êtes intéressé à ce domaine de l’écologie marine et à ce sujet spécifique ?
[Dr Jean-Charles Leclerc] Ce sujet émanait d’un fort intérêt pour la biodiversité marine et la complexité des relations alimentaires entre espèces. Ce travail a développé chez moi un attrait pour la compréhension plus globale des interactions entre espèces et leurs propriétés stabilisantes dans les écosystèmes. Par stabilité, j’entends qu’un écosystème diversifié et « sain » va généralement avoir une meilleure capacité d’absorber les stress de type naturel et/ou anthropique (tempêtes, pollutions en tout genre etc.) et de s’en remettre rapidement.
Que sont ces forêts de macroalgues ?
Ces forêts de macroalgues reposent sur des fonds sous-marins durs et sont formées par certaines macroalgues brunes présentant une durée de vie assez conséquentes pour ces milieux (avec des longévités de 15-20 ans). Ces espèces dites « fondatrices » forment une canopée sur plusieurs mètres de hauteur au sein de laquelle nous pouvons retrouver d’autres macroalgues, d’invertébrés et de poissons : plusieurs centaines d’espèces au mètre carré coexistent dans ces habitats !
Qu’est-ce que le projet « KELP ME ! » ?
L’idée du projet est de déterminer comment se structure et s’organise la biodiversité des assemblages d’espèces qui colonisent les infrastructures portuaires, qui créent de nouveaux fonds durs pour les milieux marins. Ces assemblages comprennent des macroalgues fondatrices, et toutes autres espèces pouvant s’y associer plus ou moins étroitement. Le projet va s’intéresser aux facteurs biotiques et abiotiques qui influencent la distribution de ces organismes – un des objectifs étant de déterminer si certaines interactions (formation d’habitats, rôle de nurserie et relations alimentaires) entre espèces se mettent en place dans ces néo-écosystèmes urbains.
Comment s’articule ce projet ?
Le projet se déroule en deux étapes. La première consiste à réaliser une étude comparative de milieux portuaires en condition assez ouverte (ports marins qui conviennent aux macroalgues) afin de comparer à différentes échelles spatiales (intra- et inter-ports) la biodiversité associée. La deuxième phase du projet mettra en place des expérimentations à travers lesquelles nous manipulerons les assemblages des milieux portuaires afin d’établir si une telle approche peut influencer la biodiversité des autres espèces qui les colonisent et modifier d’autres propriétés de l’écosystème. Nous travaillerons sur des sites en Bretagne, en Loire-Atlantique mais aussi en Normandie !
Pourquoi avoir proposé ce projet pour le réaliser à la Station Biologique de Roscoff ?
J’ai choisi cet établissement d’accueil car c’est un projet qui s’intéresse aux macroalgues et il n’existe pas d’environnement plus stimulant que la Station Biologique de Roscoff, qui possède une expertise interdisciplinaire sur le sujet au niveau de leur biologie, de leur écologie, et de leur potentiel de conférer d’importantes contributions naturelles aux sociétés humaines et un avenir plus durable (https://www.safeseaweedcoalition.org/). J’ai également choisi cet endroit pour des raisons personnelles, une volonté de rester attaché à ce lieu voire d’y pérenniser ma situation.
Avez-vous une recommandation pour un lecteur curieux ?
Oui, je vous conseille la série de reportages « Notre planète », produite par Netflix en collaboration avec WWF et disponible en libre accès sur Youtube. A travers des images et une narration hors du commun, cette série permet d’expliquer toutes les interrogations que nous pouvons avoir sur la biodiversité (son évolution, les équilibres de la nature, etc.) à de multiples échelles d’organisation du vivant et l’importance de sa conservation pour nos sociétés.
Merci Jean-Charles !