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Sophie Hage, sédimentologiste, travaille sur le cycle du carbone au large du fleuve Congo

- Publié le 17/03/22

Dr Sophie Hage, sédimentologiste, travaille sur le transport de carbone organique dans les fonds marins au large du fleuve Congo, dans le cadre du projet TYC-TOC. Elle est acceuillie depuis Janvier 2022 au sein du l’équipe de recherche ASTRE dans le laboraoire Geo-Ocean, à l’Université de Bretagne-Occidentale (UBO). Elle collabore avec Nathalie Babonneau (Maître de Conférence UBO, lab. Geo-Ocean), Bernard Dennielou, Guillaume Soulet et Ricardo Silva Jacinto (chercheurs à l’Ifremer, lab. Geo-Ocean).

[BIENVENÜE] : Bonjour Sophie, comment êtes-vous venue à vous intéresser à ce sujet ?

[Dr Sophie Hage] : J’ai toujours été intéressée par le milieu naturel, et plus particulièrement par le lien entre les continents et l’océan. Lors de mon master en géomorphologie, j’ai travaillé sur des dépôts sableux au fond d’un lac en Turquie. Les sables lacustres avaient enregistré des indices de séismes passés, et nous avons pu reconstituer l’histoire paléosismologique de la région remontant à plus de 4000 ans. J’ai ensuite étudié lors de mon doctorat les déplacements de sédiments dans les canyons sous-marins des fjords du Canada. Ces courants de sédiments sous-marins, appelés courants de turbidité, peuvent être déclenchés par de multiples méchanismes tels que des rivières en crue, des amplitudes de marée importantes, ou encore des glissements de sables sur les pentes de deltas.

En quoi consiste le projet TYC-TOC ?

TYC TOC (turbidity current transport of organic carbon) signifie « transport du carbone organique par les courants de turbidité ». Il s’agit de comprendre le transport de carbone organique depuis le fleuve Congo jusque dans l’océan Atlantique via le canyon sous-marin du Congo.

Le carbone organique est notamment formé lors de la photosynthèse des plantes qui fixent le CO2 de l’atmosphère pour se développer. Le transport et l’enfouissement du carbone organique continental dans l’océan peut donc mener à une diminution des niveaux de CO2 sur des milliers à millions d’années. Le fleuve Congo présente le deuxième plus grand débit au monde (après l’Amazone) et exporte 7 % du carbone organique fluviatile mondial vers l’océan.

Le projet TYC TOC a pris forme lors d’une campagne en mer en Automne 2019 sur le navire de recherche anglais James Cook, qui nous a emmenés à plus de 100 km au large du fleuve Congo.

Cette campagne scientifique a permis d’effectuer des cartes du fond marin (relevés bathymétriques), d’installer des instruments de mesures pour détecter le transport de sédiments dans le canyon, et de collecter des échantillons de sédiments à plus de 2 km de profondeur. Dans le cadre du projet TYC TOC, je vais travailler sur ces données et quantifier les flux de carbone organique transportés depuis le fleuve Congo jusque dans son canyon sous-marin.

Pourquoi est-ce important de mieux comprendre ce phénomène ?

Le principal mode de transport des sables dans les canyons sous-marins se fait via des courants de turbidité qui peuvent atteindre des vitesses de plus de 2 m/sec et durer pendant plusieurs jours dans le canyon du Congo. Pour vous donner une idée, un courant de turbidité peut à lui seul transporter l’équivalent du volume de sédiment transportés en suspension par toutes les rivières du Monde en une année. Comprendre comment les courants de turbidité transportent le carbone d’un fleuve majeur vers les abysses permettra de préciser les flux de carbone organique enfouis dans les fonds marins et les taux de séquestration de CO2 associés. Dans le contexte actuel de lutte contre le changement climatique, il est important d’évaluer avec précision les quantités de carbone aussi bien créés par l’homme que celles transportées par des phénomènes naturels tels que les fleuves et les canyons sous-marins.

Pourquoi avoir choisi ce laboratoire ?

Le laboratoire Geo-Ocean regroupe des chercheurs de l’UBO et de l’Ifremer qui ont une grande expérience dans l’exploration des fonds marins et notamment du canyon du Congo. Ainsi, le labo bénéficie de toute une série de données et de compétences indispensables pour mener à bien mon projet TYC TOC. De plus, je dispose au sein de l’unité Geo-Ocean de toute une série de laboratoires me permettant de manipuler mes échantillons de sédiments et de réaliser des analyses géochimiques sur le carbone.

Auriez-vous une recommandation pour le lecteur curieux d’en savoir plus ?

J’invite les curieux à écouter cette interview BBC de Peter Talling (Durham University) qui parle du canyon sous-marin du Congo et de la campagne James Cook 187 de 2019. Underwater avalanche continued for two days – BBC News

Je recommande aussi ces vidéos de survol de deux autres canyons sous-marins étudiés dans le monde, parmi tant d’autres : le Gouf de Capbreton (France) et le canyon de Monterey (Etats-Unis).

Merci Sophie !

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