Dr Maxime Laurans est un chimiste qui s’intéresse à la chimie moléculaire. Il a commencé en janvier le projet Mo2N2Fix au laboratoire CEMCA à l’Université de Bretagne-Occidentale.
[Team BIENVENÜE] Bonjour Maxime, pouvez-vous retracer votre parcours ?
[Dr Maxime Laurans] Je me suis initialement intéressé à la chimie moléculaire par ma formation universitaire à Brest car cette discipline permet d’expliquer des mécanismes fondamentaux. J’ai poursuivi mes études en à Paris où j’ai travaillé en chimie de surface sur l’immobilisation d’oxides moléculaires. Il s’agissait de trouver une méthode pour réussir à les greffer sur une surface de manière très contrôlée, afin de pouvoir créer un dispositif de mémoire où l’information serait stockée dans les molécules.
Lors de mon post-doctorat en Suède, j’ai poursuivi une approche similaire mais à des fins de conversion de l’énergie en menant des recherches sur le dioxyde de carbone (CO2). Le but était de faire d’un déchet comme le CO2 une ressource en le transformant en monoxyde de carbone grâce à l’immobilisation de catalyseurs moléculaires à base de ruthénium sur une surface d’électrode photoactive. Autrement dit, nous souhaitions transformer le CO2 en monoxyde de carbone grâce à des molécules à base de ruthénium dont la mise est forme est contrôlée sur des surfaces photoactives de silicium qui permettent d’utiliser la lumière du soleil comme source d’énergie pour assurer le processus de transformation.
Qu’allez-vous faire lors du projet Mo2N2Fix ?
Je vais travailler sur la valorisation de l’azote, qui est une molécule très stable et donc difficile à rompre. Ce qui veut dire aussi qu’elle nécessite l’apport de beaucoup d’énergie pour assurer sa dissociation. L’ammoniac, est essentiel pour la production des engrais de synthèse, aujourd’hui largement utilisés dans l’agriculture, et son procédé de fabrication conventionnel, appelé procédé Haber-Bosh, des conditions drastiques de température et de pression gourmandes en énergie. Les plantes réalisent déjà ce processus – via la fixation de l’azote – en captant l’azote dans l’air durant leur croissance, et en le transformant en ammoniac à l’aide d’enzymes appelées nitrogénases.
En laboratoire, je vais essayer de reproduire ce mécanisme au niveau moléculaire, en imitant la structure des sites actifs des nitrogénases présentes dans les plantes avec les modèles chimiques, qualifiés de complexes modèles organométalliques, dont les scientifiques disposent. J’espère également identifier les molécules formées lors de la réaction de la potentielle transformation de l’azote.
Quelles sont les éventuelles applications ?
Une fois que nous aurons observé le mécanisme en laboratoire, il nous faudra l’étendre à des dispositifs plus appliqués pour une utilisation dans des conditions réelles. A long-terme, nous pourrions envisager d’utiliser mes résultats pour établir un dispositif produisant de l’ammoniac plus propre et moins consommateur en énergie grâce aux molécules qui assurent la conversion de l’azote via un apport d’énergie électrique. Cela aurait de nombreux avantages comme une économie d’énergie. Aussi, la transformation propre de l’azote pourrait en faire une source de carburants propres qui émettront moins de CO2. C’est l’horizon de plusieurs décennies toutefois.
Pourquoi avoir choisi le CEMCA pour réaliser votre projet ?
Le laboratoire a beaucoup travaillé sur les molécules à base de fer, un travail que je souhaite imiter concernant l’azote. J’espère pouvoir bénéficier de leur expertise. J’apporte aussi mon expertise sur les surfaces au laboratoire, ce qui sera utile dans un second temps. Enfin, cela me semblait naturel de travailler au CEMCA avec l’enjeu régional autour des engrais et de leur pollution. La recherche comprend pour moi une forte idée de service public. Mon travail pour la connaissance aura une utilité pour les générations futures.
Auriez-vous une recommandation pour le lecteur curieux d’en savoir plus sur cette thématique ?
Je recommande pour aborder la chimie de manière générale le livre suivant: “50 CLÉS POUR COMPRENDRE LA CHIMIE” de Hayley Birch aux éditions Dunod. C’est un livre très généraliste mais qui montre que la chimie est présente partout dans notre quotidien et est un outil qui permet d’expliquer en partie les phénomènes qui nous entourent. Pour un aspect plus ludique et plus axé sur la chimie moléculaire je recommande le jeu de société édité chez Equascience intitulé KimiK qui permet de jouer en construisant des molécules à l’aide de cartes avec la possibilité d’acheter un livret pédagogique.