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De retour de la campagne océanographique RESILIENCE

- Published on 17/06/22

Dr Pavanee Annasawmy, travaillant au laboratoire LEMAR à l’Université de Bretagne-Occidentale, a participé à la campagne océanographique RESILIENCE. A bord du navire de recherche Marion Dufresne avec une cinquantaine de chercheur·se·s internationaux en avril et mai 2022, elle a étudié les interactions entre les phénomènes physiques et biologiques dans l’océan à petite échelle (10 km) au bord des cyclones dans le canal du Mozambique et sur la côte est de l’Afrique du Sud. Elle nous parle de son travail à bord et ses plans pour son futur travail en laboratoire.

En présentant votre projet de recherche, vous aviez mentionné que votre objectif principal était la récolte de données acoustiques. Comment cela s’est passé ?

[Pavanee :] Nous avons pu collecter les données acoustiques avec un sondeur scientifique EK80 sur 5 fréquences (18, 38, 70, 120 et 200 kHz). Le sondeur a récolté ces données en continu du début à la fin de la campagne.

 

Exemple d’échogrammes (représentation graphique des données acoustiques) avec les fréquences 18, 38, 70, 120 et 200 kHz. Il est possible de voir les vagues internes (via le déplacement horizontal des organismes marins à cause des courants) entre la surface et 100m de profondeur.

Un total de 37 profils a été réalisé avec un échosondeur acoustique AZFP (Acoustic Zooplankton and Fish Profiler – Profileur acoustique pour le zooplancton et les poissons) de la surface à 500m de profondeur. L’AZFP a été déployé sur le côté du bateau ou bien fixé sur une rosette CTD (Conductivity Temperature Depth – Conductivité, Température, Profondeur). Il fonctionnait sur les fréquences de 200, 455, 769, et 2000 kHz, permettant ainsi la détection de seize classes d’organismes. En plus un capteur UVP5, permettant d’enregistrer des images de plancton, a été déployé avec l’AZFP, pour pouvoir comparer les données acoustiques avec les images de plancton.

Quelles autres données avez-vous collecté ?

La nuit, nous avons utilisé douze chaluts jusqu’à 100 m de profondeur pour étudier les organismes du micronecton qui avaient été déjà observés avec les données acoustiques. Quatre chaluts ont été utilisés sur le premier site d’échantillonnage (Leg 1) avec les fronts océanographiques du canal du Mozambique, et les autres sur différentes zones d’un tourbillon au sud de Durban.

Malheureusement, l’émetteur-receveur à bande ultralarge (WBAT) embarqué n’a pas pu fonctionner à cause d’incidents techniques. Il aurait permis la détection de cibles uniques lors de l’utilisation des chaluts. Cet incident ne remet pas en cause le succès général de la campagne et la collecte des données acoustiques. Les objectifs de mon projet de recherche seront atteints via l’utilisation d’autres jeux de données acoustiques.

Avez-vous appris quelque chose d’inattendu durant la campagne?

Une observation assez inattendue est la récolte de microplastiques dans les chaluts. La plupart de ces plastiques avait l’air d’avoir une origine domestique, les emballages plastiques alimentaires étant les plus récoltés. Dans le premier chalut, nous avons même récolté une sandale féminine (voir photo) ! Ce chalut a été réalisé au milieu du canal du Mozambique, qui fait au moins de 419km de large. Cela vous donne une idée de la distance que peuvent parcourir les plastiques depuis la côte. Au sein du tourbillon de Durban, nous avons pu collecter des micro-plastiques similaires, comme des agitateurs à cocktails dans trois chaluts trois jours de suite.

 

sandale collectée dans le chalut, avec plusieurs organismes gélatineux, des crustacés et des poissons

Quelles sont les prochaines étapes maintenant que vous êtes de retour au laboratoire?

Grâce aux jeux de données collectés par le EK80, l’AZFP, l’UVP et les chaluts, je vais pouvoir étudier la distribution du zooplankton et du micronecton au cours du cycle de vie du tourbillon de Durban. Le cyclone de Durban est un tourbillon semi-permanent froid localisé sur le sud de la baie de KwaZulu Natal, au large de Durban (Afrique du Sud). Je vais aussi pouvoir étudier grâce aux données acoustiques le déplacement des différents groupes d’organismes à cause des vagues internes.

Ma toute première étape sera de nettoyer les données, enlever les signaux non-souhaités, d’intégrer les données (c’est-à-dire convertir le signal acoustique en biomasse), analyser les données et les classifier en différents groupes d’organismes. Je vais ensuite analyser les données acoustiques en les croisant avec des données environnementales (courants, température, salinité, oxygène dissous et chlorophylle). Les organismes collectés dans les chaluts seront caractérisés par des taxonomistes de la Réunion. Les images de l’UPV5 seront traitées à l’Université Nelson Mandela en Afrique du Sud.

Pendant la campagne nous avons développé des collaborations avec des chercheurs de l’Université de la Réunion. Nous avons collecté des échantillons d’ADN environnemental dans les chaluts et dans la rosette CTD, ce qui va me servir dans mon prochain projet d’études. Je souhaite travailler sur les espèces et l’abondance du micronecton dans la colonne d’eau en comparant trois méthodologies d’échantillonage : l’ADN environnemental, le chalutage et l’acoustique active.

Nous allons aussi mesurer et analyser à l’aide de la spectrometrie les macro-plastiques collectés dans les chaluts, afin de caractériser les proportions des différents polymères. Je vais essayer de comprendre l’abondance de ces macro-plastiques en lien avec les caractéristiques physiques océanographiques, et exploiter ces observations inattendues dans mon projet de recherche.

 

Crédit photo : Dr Pavanee Annasawmy

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