Hélène Audusseau est une chercheuse en écologie. Elle débute cet automne un projet d’écologie urbaine, le projet EcoHeat, au laboratoire ECOBIO (Université de Rennes 1).
[team BIENVENÜE] Bonjour Hélène, comment-êtes vous arrivée à vous intéresser à l’écologie urbaine ?
Hélène Audusseau: Après ma thèse en Suède sur les impacts des changements environnementaux sur des communautés d’insectes, j’ai travaillé à Paris sur l’environnement urbain et les contraintes qu’il exerce sur la biodiversité. La ville se prête très bien à l’étude de l’impact du changement climatique, car les changements y sont plus prononcés qu’ailleurs et qu’ils sont observables à une échelle spatiale plutôt petite. Il y a aussi une application concrète et assez directe à l’étude de la biodiversité urbaine, notamment en tant que support de connaissances pour la collectivité. Je pense, par exemple, que les résultats de ce type de projet peuvent alimenter les discussions autour du Plan Local d’Urbanisme.
Pouvez-vous nous expliquer le projet EcoHeat en quelques mots ?
Il s’agit de comprendre si et comment les espèces peuvent s’adapter aux variations de température particulièrement importantes en ville. Je vais étudier différents groupes d’animaux dits ectothermes, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas capables de réguler par eux-mêmes leur température corporelle. Celle-ci est donc liée à celle leur habitat. Sont-ils présents en ville de la même manière que dans les campagnes alentours ? Observe-t-on des adaptations spécifiques chez populations urbaines pour faire face aux variations de températures que l’on y trouve ? C’est ce que je vais étudier, en regardant plus spécifiquement chez différentes espèces les variations dans des traits observables (comme le poids, la taille des ailes, etc) en réponse à la température.
Pourquoi est-ce important ?
Pour ces animaux, la température a un impact sur leur reproduction, leur développement, et leur survie. Leurs réponses aux variations de température conditionne donc l’assemblage des communautés urbaines et les services écosystémiques qu’elles rendent. Les espèces qui vont être étudiées sont notamment impliquées dans la régulation des mauvaises herbes (coléoptères), dans l’aération des sols (vers de terre), dans la pollinisation (papillons), mais certaines sont aussi des ravageurs des cultures (pucerons).
Comment allez-vous travailler ?
Le suivi et l’étude de ces différentes espèces et populations va se faire sur des sites contrastés en termes de conditions climatiques à l’échelle de la Métropole Rennaise. Pour ce faire, je vais me baser sur des données climatiques d’une précision que l’on ne retrouve qu’à Rennes, Dijon et Toulouse. Le réseau de suivi de la température a été mis en place à partir de 2003 par les chercheurs du laboratoire LETG avec qui je collabore sur ce projet. Le réseau de capteurs disponible permet de décrire les variations de températures avec une finesse à l’échelle du quartier.
Qu’est-ce qui vous motive dans vos recherches ?
La question de l’impact des changements climatiques sur la biodiversité, qui est au cœur de mes recherches, est une problématique centrale aujourd’hui. Mon projet est dans la continuité de mes travaux passés mais cherche cette fois à combiner les différentes thématiques et approches avec lesquelles j’ai travaillé. Je tiens beaucoup à cette interdisciplinarité que je trouve riche et constructive.
Vous avez prévu de partager vos données avec Rennes Métropole, dans un atlas pour la biodiversité accessible à tous en ligne. Pourquoi ?
Puisque la ville est au cœur de ce projet, et que les espaces verts et pelouses de Rennes Métropole constituent nos sites d’étude, il est évident que les données collectées viendront alimenter cet atlas de la biodiversité qui a été lancé en juin 2021. Cette collaboration, entre le monde institutionnel et les collectivités, est cruciale afin de pouvoir d’une part mener dans de bonnes conditions des campagnes d’échantillonnage en milieu urbain et étudier les transitions environnementales qui s’y opèrent et, d’autre part, parce que le développement de cet inventaire de la biodiversité rennaise est un outil stratégique de l’action locale sur des questions relatives à la gestion de la biodiversité. D’autres actions pédagogiques sont aussi prévues, comme des panneaux de vulgarisation sur la biodiversité présente au niveau de chaque site et à destination du grand public.
Auriez-vous une suggestion de lecture ou de visionnage pour un lecteur intéressé par le thème de vos recherches ?
On m’a récemment offert la bande dessinée « L’Oasis », de Simon Hureau, qui m’a beaucoup plue sur la biodiversité que tout un chacun peut favoriser, notamment en ville.
Merci Hélène !
crédit photo: Hélène Audusseau
