Go Back

Israël Tankam, un mathématicien travaillant sur les applications pratiques de la modélisation mathématique en agriculture

- Published on 15/09/23

Le Dr Israël Tankam est un mathématicien qui travaille sur l’optimisation de la gestion de la résistance aux nématodes phytoparasites. Son projet « NEMO » est mis en oeuvre au sein du laboratoire IGEPP, à l’Institut Agro Rennes-Angers.

Equipe BIENVENÜE : Bonjour Israël, quel est votre parcours ?

J’ai une formation en mathématiques appliquées, spécialisée dans la modélisation mathématique, la modélisation écologique, et leurs applications pratiques, en particulier dans les domaines tels que l’épidémiologie végétale et l’agriculture. J’ai été lauréat du prix Ovide Arino Outbreak Award (OAOA) en 2021 pour mon doctorat sur la gestion optimale et durable des parasites de la banane transmis par le sol. Mon précédent poste de postdoc portait sur la modélisation de l’épidémiologie des maladies transfrontalières du manioc en Afrique centrale et occidentale avec le groupe d’épidémiologie et de modélisation de l’Université de Cambridge, et le centre d’excellence régional sur l’épidémiologie virale en Afrique centrale et occidentale pour la sécurité alimentaire (WAVE).

Depuis janvier 2023, je suis impliqué dans le projet NEMO (Optimiser la gestion de la résistance aux nématodes phytoparasites) en collaboration avec des experts tels que Frédéric Hamelin, Josselin Montarry et Sylvain Fournet.

Sur quoi porte votre projet NEMO ?

Le projet NEMO s’intéresse à la menace que représente le nématode à kystes de la pomme de terre (Globodera pallida) pour les cultures de pommes de terre en Bretagne suite à l’interdiction des nématicides efficaces. Notre objectif est de développer, à l’aide de modèles mathématiques, des stratégies durables de gestion de ce parasite en combinant la résistance des plantes avec la rotation des cultures et les méthodes de biocontrôle.

Des variétés de pommes de terres résistantes aux nématodes à kystes ont été développées depuis plusieurs décennies. La plupart de ces résistances agissent par masculinisation des larves de nématodes qui s’en nourrissent. Cela signifie que ces dernières ne peuvent pas se transformer en femelles adultes en se nourrissant des racines d’une pomme de terre résistante, mais exclusivement en mâles. Leur reproduction étant sexuée, une population composée uniquement de mâles est vouée à disparaître. C’est brillant dans l’idée, mais dans la pratique c’est autre chose.

En effet, les principes de l’évolution exigent que la résistance conduise à l’adaptation par le biais de la sélection naturelle. En effet, il arrive que dans les populations nématodes, il existe des individus qui ont des caractéristiques leur permettant de contourner la résistance masculinisante et donc de produire des femelles sur des pommes de terre résistantes. Ces individus sont alors dits virulents, non seulement parce qu’ils sont capables de se reproduire sur ces pommes de terre résistantes, mais aussi parce qu’ils sont encore plus agressifs.

La virulence est caractérisée par un gène dit de virulence, c’est-à-dire un code dans leur ADN qui leur fait développer la caractéristique de virulence. De plus, ce gène ne s’exprime que si l’ADN porte deux copies (on parle alors d’allèle récessif). Du fait de l’existence de cette virulence, le fait de ne déployer systématiquement que des plantes résistantes fera que seuls les nématodes virulents survivront (les autres ne se reproduiront pas car ils ne peuvent pas produire de femelles), ce qui a deux conséquences. D’une part, la résistance deviendra obsolète car les nématodes virulents ne sont plus affectés par la résistance des plantes. D’autre part, les nématodes virulents sont encore plus agressifs et se reproduisent plus rapidement que les nématodes avirulents.

L’objectif de la modélisation mathématique est d’analyser a priori les meilleures stratégies de déploiement et d’alternance de variétés résistantes avec des variétés sensibles (sur lesquelles les nématodes avirulents peuvent se reproduire et diluer la population de nématodes virulents) et même des plantes non-hôtes des nématodes à kystes afin de planifier un calendrier cultural optimal en réponse à une épidémie de nématodes. Les objectifs sont de plusieurs ordres : (i) que la résistance ne devienne pas obsolète, (ii) que la virulence ne devienne pas majoritaire, (iii) que les rendements de pomme de terre soient maximaux et enfin (iv) que les nématodes à kystes soient définitivement éliminés.

Ce qui rend ce projet unique, c’est notre utilisation de la modélisation mathématique, y compris des modèles démo-génétiques, pour optimiser ces stratégies et empêcher les nématodes de s’adapter à la résistance des plantes. Notre objectif est d’identifier les meilleures stratégies de rotation des cultures et de fournir aux agriculteurs une aide pratique à la prise de décision.

Ce projet introduit l’innovation en considérant différents facteurs, dont les génotypes diploïdes de nématodes (état dans lequel le nématode possède deux allèles pour chacun de ses gènes), l’absence de coût d’adaptation pour la virulence, et la nature polyandrique des nématodes à kystes. En outre, nous visons à créer des outils d’aide à la décision basés sur des critères économiques.

Notre projet implique des collaborations internationales, une recherche interdisciplinaire qui combine la biologie et la modélisation mathématique, et des liens avec les instituts privés et des entreprises dans le secteur de la pomme de terre et de la carotte. Nous pensons que nos travaux auront un impact significatif sur la protection des cultures, qu’ils favoriseront des pratiques agricoles durables et qu’ils bénéficieront à la fois à la communauté scientifique et aux cultivateurs du monde entier.

Pourquoi avoir choisi de mettre en oeuvre votre projet au sein du laboratoire IGEPP ?

J’ai choisi de réaliser mon projet NEMO au sein de l’UMR 1349 IGEPP (Institut de Génétique, d’Environnement et de Protection des Plantes) partagé entre l’INRAE et l’Institut Agro Rennes-Angers en raison de ses expertises complémentaires, de son histoire de collaboration, de ses superviseurs expérimentés, de ses approches interdisciplinaires et de ses solides relations internationales.

  • Expertises complémentaires : ce laboratoire est composé de deux équipes, Démocologie et PMB (Ecologie génétique des interactions Plante(s) – Microbiotes – Bioagresseurs), chacune ayant une expertise dans des domaines différents, mais complémentaires. L’équipe Démocologie est spécialisée dans les modèles théoriques et mathématiques liés à l’écologie, à l’épidémiologie et à la protection des plantes. L’équipe PMB, quant à elle, se concentre sur la génération de données relatives aux nématodes phytoparasites. Cette combinaison de compétences nous permet d’adopter une approche globale du projet, où les modèles théoriques peuvent être informés et validés par des données réelles.
  • Histoire de la collaboration : les superviseurs des deux équipes ont déjà collaboré avec succès, comme en témoignent plusieurs publications communes. Cette synergie existante entre les deux équipes constitue une base solide pour un partenariat fructueux.
  • Expérience et réputation : les responsables du projet ont une grande expérience dans la modélisation des malades et des parasites des cultures (F. Hamelin) et de l’étude de la gestion durable de la résistance des plantes (J. Montarry).
  • Approche interdisciplinaire et collaborations internationales : le laboratoire s’engage activement dans des collaborations internationales avec des chercheurs d’institutions telles que l’Université de Wageningen et l’Université de Cambridge. Ces collaborations garantissent que notre projet bénéficie de perspectives et d’expertises diverses, ce qui enrichit la qualité de notre recherche.

Merci Israël !

Sharing
See more news