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Sophie Brajon, éthologue, travaille à l’amélioration des élevages porcins

- Published on 27/09/21

Sophie Brajon est une éthologue française débutant en octobre le projet “PIGORAMA” au sein d’Agrocampus Ouest, au laboratoire PEGASE. Elle sera encadrée par Céline Tallet (INRAe) et Vanessa Lollivier (Agrocampus Ouest).

[L’équipe BIENVENÜE] Bonjour Sophie, pouvez-vous nous en dire plus sur vous et votre parcours ?

Sophie Brajon : J’ai une formation en éthologie car je me suis d’abord intéressée au comportement animal dans sa globalité. J’ai ensuite précisé mon intérêt pour le bien-être animal, ce qui a occasionné un mouvement vers l’agriculture. Je m’intéresse à la cognition et aux émotions des animaux de la ferme. Ma thèse, réalisée au Canada, était dédiée à la perception de l’humain par le porcelet et la relation homme-porcelet.

Comment est né le projet PIGORAMA ?

Après ma thèse, j’ai travaillé autour de la question de l’amélioration des systèmes de productions, sur différents sujets, mais toujours centré sur l’animal, son bien-être, ses attentes et ses besoins. Je me pose désormais la question de comment cela se passe pour l’éleveur : comment développer un système répondant aux besoins des animaux mais aussi à ceux des éleveurs ? C’est comme ça qu’est né le projet PIGORAMA.

Ce projet se développera avec une approche participative, ce qui permettra des échanges avec la filière jusqu’au consommateur. Je vais mener des entretiens auprès d’éleveurs français ayant des systèmes d’élevage offrant un accès à l’extérieur à leurs animaux. Mon projet est aussi lié au LIT Ouesterel (une association de l’Ouest de la France fédérant de nombreux acteurs autour de l’amélioration de la santé et du bien-être des animaux d’élevage). Je suis d’ailleurs membre de cette association. Je pourrai partager mes résultats dans ce cadre.

Le projet PIGORAMA s’intègre dans une collaboration plus importante…

Il s’intègre dans un gros projet – le projet PANORAMA – travaillant sur les élevages alternatifs du futur. Je travaille sur les aspects de bien-être animal et des attentes des éleveurs, mais il y a aussi des recherches en nutrition, physiologie ou en économie. C’est un environnement de travail très riche, avec des chercheurs, des techniciens, des éleveurs… où nous partageons un même objectif : développer un modèle alternatif d’élevage avec un accès à l’extérieur pour les animaux.

Notre ambition n’est pas de trouver un modèle d’élevage parfait, idéalisé, mais un élevage commun, adapté au plus grand nombre. Des compromis devront être faits : il faut pouvoir concilier le bien-être animal, le bien-être des éleveurs, la faisabilité, et les attentes des consommateurs. Nous voulons toucher le plus grand nombre, avec des prix abordables et pour les éleveurs des conditions de travail plaisantes.

Quelles sont vos motivations dans vos recherches ? 

J’apprécie d’abord pouvoir travailler en recherche fondamentale, sur des concepts très importants comme les émotions ou l’adaptation de l’animal à différentes situations. L’élevage est un défi pour l’animal qui doit s’adapter constamment et il est donc essentiel de comprendre sa manière de percevoir les choses, ses attentes et ses besoins pour lui offrir les moyens de faire face à un environnement et vivre une vie plaisante.

J’aime également avoir une démarche appliquée. Que faisons-nous des nouvelles connaissances ? Je cherche à donner des outils aux éleveurs.

Pour mener à bien votre étude sur les attentes et perceptions des éleveurs, vous allez collaborer avec Véronique van Tilbeurgh, professeure de sociologie à l’Université de Rennes 2…

Ma première étude s’appuie sur des entretiens avec des éleveurs donnant un accès à l’extérieur à leurs porcs (de la simple courette à l’élevage en plein air). Véronique van Tilbeurgh va m’accompagner là-dessus, car c’est une nouvelle méthode de travail pour moi et cela s’apprend. Il faut savoir faire les sondages, apprendre comment échanger et instaurer un climat de confiance.

Pourquoi avoir choisi la Bretagne ?

Après dix ans passés à l’étranger, je cherchais à revenir en France pour de nombreuses raisons personnelles et professionnelles. La recherche sur le bien-être animal est en avance en Europe et en France. Bien sûr, il reste du chemin à faire, mais c’est aussi motivant de travailler dans une société qui est plus consciente de ces problématiques. La Bretagne étant une grande région d’élevage porcin, c’est aussi un bon terrain de recherche.

De plus, l’UMR PEGASE que je rejoins pour mon postdoctorat est une unité de recherche leader dans le développement de systèmes agricoles durables. Je me retrouve totalement dans leur démarche de « faire des petits pas pour le plus grand nombre de systèmes de production » afin de faire évoluer les systèmes de production conventionnels actuels vers des systèmes durables en concertation avec les acteurs de la filière et les citoyens.

De façon pragmatique, il y a aussi une question d’opportunité. Ma précédente collaboration fructueuse avec Céline Tallet, rencontrée durant ma thèse, a facilité les choses et m’a convaincue de travailler à nouveau avec elle et l’équipe de recherche qui l’entoure. Le développement de son réseau est un pan important de mon métier et, au-delà de sa nécessité pour faire progresser la science, permet d’être au courant d’opportunités de travail.

Avez-vous une ressource ou une œuvre sur le thème de vos travaux que vous souhaiteriez partager au lecteur ?

Pour tous les curieux, enfants comme adultes, je conseille vivement la bande dessinée « Les cerveaux de la ferme : Au cœur des émotions et perceptions animales » du vulgarisateur scientifique Sébastien Moro et de la dessinatrice Layla Benabid. Ce livre très juste, très complet, basé sur un travail méticuleux de recherche bibliographique, changera radicalement votre manière de voir les animaux de ferme. Je l’ai fait lire à mes parents et cela les a passionné. Depuis, ils sont beaucoup plus attentifs aux animaux qui les entourent (qu’ils soient domestiques ou pas), et ils ne cessent d’aborder le sujet avec moi !

Plus globalement, la chaîne youtube de Sébastien Moro, « Cervelle d’oiseau », est vraiment géniale pour tout ceux qui s’intéressent de près ou de loin à la cognition/l’intelligence animale.

Le domaine de l’éthologie appliquée a fortement gagné en popularité auprès du large public grâce au travaux et interventions de Temple Grandin. Ses découvertes sur la perception animale ont profondément amélioré les connaissances sur le bien-être animal et ont conduit à de grandes modifications des méthodes d’élevage, de transport et d’abattage industriel. Diagnostiquée autiste, elle a également contribué à mieux faire comprendre cet handicap. Pour les curieux, je conseille le livre tout public « L’Interprète des animaux », dans lequel elle rapproche la perception animale de celle des personnes autistes, notamment en termes de sensibilité à l’environnement.

Pour les jeunes enfants, je conseille les quiz en ligne créés par l’INRAe sur la vie des cochons et la vie des poules. En effet, le premier pas pour protéger l’autre est de le connaître.

Il est aussi possible de suivre Sophie sur twitter.

Crédit Photo : Sophie Brajon

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